Le maître d’ouvrage peut rechercher la responsabilité du constructeur sur plusieurs fondements juridiques.

On pense à la garantie de parfait achèvement,
à la garantie de bon fonctionnement et surtout,
à la garantie décennale qui protège contre les désordres les plus graves.

1) L’étendue matérielle de la responsabilité civile décennale des constructeurs.

La responsabilité civile décennale oblige les constructeurs à garantir le maître d’ouvrage, pendant une durée de dix ans suivant la réception, contre les désordres compromettant la solidité ou la destination de l’ouvrage réalisé.

L’article 1792 du Code civil dispose ainsi que :

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. »

Cette responsabilité s’étend par ailleurs aux éléments d’équipement indissociables de l’ouvrage, c’est-à-dire ceux faisant « corps avec l’ouvrage » (article 1792-2 du Code civil). En revanche, elle ne couvre pas le désordre compromettant la solidité ou la destination d’un élément dissociable de l’ouvrage. Par conséquent, sont exclus :

- les désordres affectant un carrelage dont la dépose et le remplacement peut intervenir sans que le logement, c’est-à-dire l’ouvrage lui-même, soit détérioré (Civ. 3ème, 21 novembre 2019, n° 18-23051).

- les désordres affectant l’abri d’une piscine qui « n’est pas ancré dans le sol et est aisément démontable » (CA Montpellier, 26 mai 2009, n° 08-1889).

Pour le juge administratif, la responsabilité décennale des constructeurs s’étend également aux « dommages survenus sur des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage s’ils rendent celui-ci impropre à sa destination. » (CAA DOUAI, 22 août 2019, 17DA01303). Et c’est également la position du juge judiciaire : Civ. 3ème, 14 septembre 2017, 16-17323). C’est pourquoi un poêle à bois tombé en panne dans les 10 ans suivant son installation, bien que dissociable de l’habitation, est couvert par la responsabilité décennale, compte tenu que « son absence totale de fonctionnement rend l’ouvrage impropre à sa destination » (CA Limoges, 21 février 2019, n° 18-00326).

2) Les délais d’épreuve et d’action de la responsabilité décennale des constructeurs.

C’est l’article 1792-4-1 du Code civil qui fait peser sur les constructeurs, pendant une durée de 10 ans donc, la responsabilité prévue à l’article 1792 du même code. Ce délai de 10 ans constitue à la fois :

- le délai dans lequel les désordres, pour être couverts par la responsabilité décennale des constructeurs, doivent être apparus ; on parle alors du « délai d’épreuve » de la garantie ;

- et le délai dans lequel la responsabilité des constructeurs doit être recherchée ; on parle alors du délai d’action, l’action ouverte au maître d’ouvrage pour agir en justice contre le constructeur.

Ces délais courent tous deux à compter de l’acte par lequel le maître d’ouvrage prononce la réception des travaux.

Le premier, celui d’épreuve, court, sans interruption possible jusqu’à expiration. Aussi, un désordre qui surviendra 10 ans et un jour après la réception ne sera pas couvert par la responsabilité civile décennale du constructeur.

En revanche, le second délai, celui d’action, est susceptible d’interruption. Notamment, la demande en référé tendant à la désignation d’un expert chargé d’examiner le désordre, interrompra le délai (article 2241 du Code civil). L’interruption emportera alors le déclenchement d’un nouveau délai de 10 ans :

« Aux termes de l’article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. »Il résulte de cet article que le délai de forclusion n’étant susceptible que d’interruption, la délivrance d’une assignation en référé expertise constitue un acte d’interruption qui fait repartir un nouveau délai de 10 ans. » (CA Reims, 23 avril 2019, n° 18/01299)

Le juge administratif fait une analyse identique des effets la demande en référé tendant à la désignation d’un expert sur le délai d’action prévue à l’article 1792-4-1 du Code civil (CAA Bordeaux, 28 mars 2019, n°17BX00516).

Précision importante, la demande en référé tendant à la désignation d’un expert interrompra le délai d’action en garantie décennale sans qu’il y ait lieu d’invoquer expressément cette garantie dans la requête (ou l’assignation) en référé (CE, 19 Avril 2017, Communauté urbaine de Dunkerque, n° 395328).

Précision toute aussi importante, l’effet interruptif de la demande en référé ne vaut qu’à l’égard des désordres visés dans la requête (ou l’assignation) et qu’à l’égard des constructeurs contre qui cette requête (ou cette assignation) est dirigée (Civ. 3ème, 18 avril 2019, n°18-14337; Civ. 3ème, 19 septembre 2019, 18-15833).

3) Observations diverses sur la RESPONSABILITÉ CIVILE DÉCENNALE.

La responsabilité civile décennale ne pèse pas exclusivement sur les « constructeurs » au sens courant du terme. En sont également redevables les architectes et les particuliers lorsque ces derniers font construire dans l’optique de vendre (1792-1 du Code civil). Elle peut également peser sur contrôleur technique…

Enfin, il s’agit d’une responsabilité sans faute. Le constructeur ne pourra en être exonéré que s’il parvient à démontrer l’absence de lien de causalité entre les travaux qu’il a réalisés et le désordre constaté. Le juge administratif a résumé ceci de très belle manière dans cet arrêt d’appel du 1er mars 2019 :

« Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. » (CAA Nantes, 1er mars 2019, 17NT02122).

La responsabilité civile décennale se distingue en cela de la responsabilité contractuelle de droit commun qui ne peut être engagée qu’en présence d’une faute.

Moralité, en cas désordres importants, vous aurez tout intérêt à agir sur le terrain de la responsabilité civile décennale !

Enfin, à noter que peu importe le fondement juridique invoqué, il sera souvent nécessaire, préalablement à toutes demandes indemnitaires, de solliciter la tenue d’une expertise judiciaire afin d’établir la réalité du désordre au contradictoire des parties et le lien de causalité que nous venons d’évoquer.

Contactez-nous pour plus d’informations.

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Pierre Déat-Pareti

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